Loi de bioéthique & Accès aux origines : une belle avancée…déjà dépassée ?

La loi de bioéthique définitivement adoptée le 29 juin 2021 vient d’être soumise au Conseil constitutionnel et devrait vraisemblablement être promulguée au cours de l’été.

Elle reconnait pour la première fois au profit des personnes conçues à l’aide d’un donneur de gamètes un droit à la connaissance de leurs origines personnelles.

C’était une revendication très attendue par certains des 100 000 citoyens français conçus depuis les années 1970’s grâce à un don de gamètes.

Cette consécration aura toutefois une portée différente selon la date de conception des personnes et ignore certaines pratiques passées comme actuelles.

Un droit garanti pour les personnes qui naîtront d’un donneur « ouvert »

Les personnes conçues à l’aide d’un donneur « ouvert » auront la garantie, en cas de décès du donneur,de disposer :

–        de données non identifiantes sur lui (âge, état général tel qu’il le décrit au moment du don, caractéristiques physiques, situation familiale et professionnelle, pays de naissance, motivations du don rédigées par ses soins),

–        et de son identité.

… à compter d’une date incertaine

A compter d’une date qui sera fixée par décret et au plus tard au premier jour du 13ème mois suivant la promulgation de la loi, autrement dit au plus tard à compter de la rentrée de septembre 2022, pour donner ses gamètes (sperme, ovocytes) ou ses embryons il faudra impérativement accepter de transmettre aux personnes majeures issues de leur don qui en feront la demande des données non identifiantes sur eux ainsi que leur identité.

Ces futurs donneurs n’auront, pas plus que les précédents, le droit de savoir si leur don a permis la naissance d’enfants et de combien. Pourtant on ne se prépare pas de la même manière à une levée de son anonymat lorsque l’on sait qu’une dizaine de personnes sont susceptibles de nous contacter ou s’il n’y en a qu’une par exemple.

Les donneurs du régime antérieur auront la possibilité de saisir la commission pour faire connaître leur accord concernant la poursuite de l’utilisation de leurs gamètes ou embryons avec communication de leur identité et de données non identifiantes aux personnes issues de leur don qui en feraient la demande.

Les personnes qui seront conçues à l’aide de ces donneurs « ouverts » (identifiables au plus tôt 18 ans et 9 mois plus tard) auront donc la garantie de pouvoir accéder, si elles en éprouvent le besoin, à la connaissance de leurs origines personnelles.

Cependant, jusqu’à une date fixée par décret, qui pourrait aller bien au-delà de septembre 2022, il demeurera possible de concevoir des enfants à l’aide de dons issus du régime antérieur.

Ainsi, il est possible d’envisager par exemple qu’un enfant conçu en 2024 ne puisse pas bénéficier de ce droit garanti à l’accès à ses origines personnelles, si sa conception est réalisée à l’aide de gamètes issus de dons recueillis avant septembre 2022 et pour lesquels le donneur n’a pas fait connaître son acceptation des nouvelles règles.

…et à condition d’attendre leur majorité

En toute hypothèse, les personnes conçues à l’aide de donneurs « ouverts » devront attendre d’avoir atteint la majorité pour solliciter des données non identifiantes voire l’identité de leur donneur. Il faut donc espérer qu’elles n’éprouvent pas un besoin trop pressant de connaître le donneur ou la donneuse à l’origine de leur conception par exemple au moment de l’adolescence.

Le législateur n’a pas souhaité permettre aux parents ayant eu recours au don de disposer de données non identifiantes sur le donneur à compter de la naissance de l’enfant, comme par exemple ses antécédents médicaux, ce qui aurait permis de garantir un suivi médical adapté pour leur enfant et leur aurait permis d’accompagner le récit qu’ils lui feront de sa conception par don de quelques éléments d’histoire, introduisant ainsi une progressivité dans l’accès à la connaissance de ses origines personnelles.

Un droit hypothétique voire inexistant pour les autres personnes conçues par don

Pour les 100 000 personnes déjà nées d’un don de gamètes et toutes celles qui seront conçues, sans limite de durée, à l’aide de gamètes ou d’embryons issus de dons réalisés avant septembre 2022 (et pour lesquels les donneurs n’ont pas fait connaître leur acceptation des nouvelles règles), le droit à la connaissance de leurs origines personnelles, qu’il s’agisse de l’identité du donneur ou même de données non identifiantes le concernant comme par exemple ses antécédents médicaux, ne sera nullement assuré.

Aucun droit à la connaissance de leurs origines pour celles conçues en dehors des hôpitaux

Avant les premières lois de bioéthique de 1994, de nombreuses inséminations ont été réalisées par sperme « frais » (non congelé) dans des cabinets gynécologiques de ville. Pour les personnes issues de ces conceptions qui se sont déroulées en dehors des banques de sperme des hôpitaux français, le législateur ne reconnaît aucun droit à la connaissance de leurs origines personnelles.

Cette lacune est très probablement liée au manque d’archives de l’Etat sur ces conceptions privées.

Un droit subordonné à l’accord du donneur pour celles conçues dans un hôpital

Les personnes ayant été conçues dans un centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) ou à tout le mois dans une banque de sperme hébergée dans un hôpital public et dont les dossiers sont en leur possession, pourront à compter d’une date qui sera fixée par décret et au plus tard au premier jour du 13ème mois suivant la promulgation de la loi, autrement dit au plus tard à compter de la rentrée de septembre 2022, saisir une commission afin de faire connaître leur souhait de disposer d’informations non identifiantes voire de l’identité du donneur à l’origine de leur conception.

La commission aura alors pour mission de rechercher le donneur. Elle disposera à cet effet d’un droit d’accès au répertoire national d’identification des personnes physiques et au répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie.

Si elle parvient à le localiser et surtout s’il est toujours en vie, la commission sera chargée de solliciter son éventuel accord concernant la transmission de données non identifiantes et de son identité à la personne issue de son don.

Le donneur aura alors la possibilité de refuser de transmettre son identité voire même également les informations non identifiantes le concernant comme par exemple ses antécédents médicaux.

Face à un tel refus ou en cas de décès du donneur, la personne issue du don n’aura donc accès à aucune information sur la personne ayant contribué à sa venue au monde.

Peu de changement pour les personnes nées d’un accouchement dans le secret

Le législateur n’a pas souhaité faire évoluer le dispositif issu de la loi du 22 janvier 2002 concernant l’accès aux origines des personnes issues d’un accouchement dans le secret et des pupilles de l’Etat.

En revanche, le législateur a étendu à leur bénéfice un droit consacré par la loi du 7 juillet2011 au profit des personnes issues de don à savoir : en cas de diagnostic d’une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave chez un enfant né dans le secret ou pupille de d’Etat ou chez l’un de ses géniteurs, la possibilité pour le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop) de faire connaître à ses ascendants ou descendants qu’il existe une information médicale à caractère familial susceptible de la concerner et d’inviter l’intéressé à se rendre à une consultation chez un médecin spécialisé en génétique, sans lui dévoiler le nom de la personne ayant fait l’objet de cet examen. Afin d’accomplir cette mission, le Cnaop est autorisé à consulter le répertoire national d’identification des personnes physiques.

Un accès effectif pour tous grâce aux tests ADN illégaux

La France est le seul pays d’Europe avec la Pologne à pénaliser la pratique d’un test ADN pour soi aux fins de connaître ses origines géographiques et ses éventuels cousins génétiques.

Quand on sait que la généalogie est le deuxième passe-temps préféré des français on ne sera pas surpris d’apprendre que chaque année, entre 100 000 et 200 000 d’entre eux en commandent chaque année sur internet.

Cette pratique a d’ores et déjà permis à de très nombreuses personnes conçues par don de gamètes ou nées d’un accouchement sous X de lever le secret sur leurs origines. Plutôt que d’ignorer cette réalité, le législateur aurait gagné à la prendre en compte et à accompagner cette évolution (voir à ce sujet la pétition : https://www.change.org/pacteprésidentielorigines). L’efficacité et la démocratisation sont telles que ce qui vient d’être voté en matière de droit d’accès aux origines personnelles pourrait bien être déjà dépassé.

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